La peau nous couvre et nous recouvre depuis l’origine de l’humanité.
De l’homme préhistorique dont sa propre peau était protégée par une peau animale à la peau tannée qui recouvre les momies millénaires ; la peau traverse les siècles en amenant des bribes d’un passé lointain jusqu’à notre époque contemporaine.
La peau est un organe à part entière, et c’est souvent son caractère étendu sur 2 m2 qui lui fait tenir une place atypique. Pour preuve, certains organes des momies égyptiennes étaient placés dans les vases canopes : l’estomac, le foie, les poumons, l’intestin. Et la peau, quant à elle, restait sur le corps du défunt pour le recouvrir dans l’au-delà.
Incroyable peau ! C’est l’eau contenue dans la peau qui rend possible le processus de momification cutanée.
L’eau est un composé chimique essentiel à la vie de tous les êtres vivants. Et c’est précisément, c’est cette eau contenue dans la peau qui rend possible le processus de momification cutanée. Que ce processus de momification soit culturel (momification volontaire) ou naturel (momification accidentelle), il s’agit dans les deux cas d’un mécanisme de dessication aboutissant à l’élimination intégrale de l’eau du corps et de facto l’eau de la peau. On assiste à un assèchement total.
La peau est constituée de 70% d’eau, ce qui correspond environ à 8 litres d’eau pour un organisme adulte. Plus précisément, le derme en contient 70% tandis que l’épiderme, seulement 30% avec diminution progressive de la teneur en eau, jusqu’à la couche cornée qui n’en contient plus que 10 %. Dans le derme, l’eau a un rôle architectural et de réservoir hydrique, tandis que dans l’épiderme, l’eau confère à la peau ses propriétés biomécaniques : robustesse, souplesse et élasticité.
Connaissez-vous la momification naturelle par congélation ?
Dans les neiges glaciales des Alpes de l’Ötztal, a été retrouvé un chasseur-cueilleur que l’on a baptisé Ötzi et âgé de 5 300 ans. La peau d’Ötzi a subi une momification sur le principe connu de la congélation (l’eau passe de l’état liquide à l’état solide lorsque la température est inférieure à 0°C) ; le froid bloque l’activité microbienne de bactéries qu’hébergent le corps humain évitant ainsi sa décomposition par putréfaction. Sa peau est suffisamment tannée pour constituer une protection contre l’attaque de certains microorganismes extérieurs. Les lipides cutanés se sont transformés en une substance savonneuse grise blanchâtre, molle et grasse au toucher ressemblant à de la cire. Il s’agit d’adipocire, encore appelée gras de cadavre, résultant de la saponification des graisses. L’excellente conservation du collagène dermique indique que la déshydratation de la peau d’Ötzi résulterait davantage d’un processus de lyophilisation, ou anciennement nommée cryodessiccation, c’est-à-dire la dessiccation d’un produit préalablement congelé par sublimation (passage de l’état solide à l’état gazeux).
Et la momification acide ?
Le dernier processus de momification naturelle met en œuvre un processus chimique acide dit « des tourbières ». La tourbe est formée de déchets végétaux accumulés et fossilisés depuis plusieurs milliers d’années. L’acidité de l’eau qui la compose, ainsi que l’absence d’oxygène et le froid, permettent à la tourbière de conserver les corps qui y sont plongés. Les peaux sont littéralement tannées alors que les ossements disparaissent (décalcification). Il est force de constater l’exceptionnelle conservation de la peau de l’homme de Tollund, découvert fortuitement en 1950 dans les tourbières du Danemark à quelques kilomètres de Silkeborg où se trouve désormais le musée où il est conservé. Sa peau a été préservée de façon remarquable au niveau microscopique (faisceaux de collagène du derme) et son étude macroscopique révèle des informations précieuses sur la santé de l’homme et son mode de vie. Sur la peau momifiée de l’homme de Tollund, on peut visualiser des détails fins, tels que les orifices des glandes sudoripares eccrines. La peau du visage présente même une pilosité d’1 à 2 mm près de la lèvre inférieure et les sourcils, annexes cutanées sont intacts. Des empreintes digitales du pouce droit ont pu être réalisées, ce qui signe de l’extraordinaire conservation puisque les dermatoglyphes (crètes dermo-épidermiques) ont été préservés.
Extrait du Livre-Catalogue d’Exposition MOMIES, LES CHEMINS DE L’ÉTERNITÉ, Editions In Fine, sous la direction du Dr Philippe Charlier, directeur de la recherche et de l’enseignement du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris et commissaire de l’exposition éponyme.
