La peau est le tissu de soi(e)

6 mars 2022
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6 mars 2022 Corinne Déchelette

La peau est le tissu de soi(e)

La peau. Étoffe cutanée, la peau est le tissu fragile et robuste qui identifie le soi, qui le couvre et le recouvre. Ce tissu de soi, semble tellement fondamental que sa fonction va de soi. La peau enveloppe notre soi, nous protège, nous individualise, et paradoxalement nous met en rapport avec les autres. La peau est l’interface par laquelle l’organisme est au monde. Car sans peau, chacun pour soi.

 

Corinne : — La peau est le tissu de soi dans lequel est taillé notre vêtement charnel.

Patrick : — Et si on ajoute un e, la peau est un tissu en soie.

Corinne : — Douce comme la soie, la peau soyeuse est un vêtement en soie qui va recouvrir le soi. On ne l’observe pas souvent pour elle-même, cette peau. Le plus souvent lors d’une rencontre, on ne regarde pas la peau, on s’en désintéresse au profit de la silhouette, de l’ensemble habillé que forme le corps recouvert de sa peau et de ses habits et que l’on ne saurait considérer pour elle-même. « La peau se coule dans l’habit » a très justement écrit Martine Colignon, plasticienne et art-thérapeute. Ce détachement du tissu-peau au profit de l’anatomie générale du corps habillé, recouvert de tissu fait oublier que sans peau, sans ce vêtement – revêtement peau, on ne pourrait pas paraître, pas être. Sans peau, il n’y a pas d’expressions, toute sociabilité devient dès lors impossible. On dit du visage que c’est un concentré de soi. Mais, sans peau, pas de visage. Sans peau, tous les visages se ressembleraient laissant apparaitre à la vue de tous notre squelette, nos muscles, nos veines et nos fascias. Sans peau, pas de vie. Pas de peau, pas de vie sociale, pas de vie psychologique, pas de vie amoureuse, et par conséquent on ne pourrait pas vivre, tout simplement.

 

La peau. « Je suis bien dans ma peau, elle est juste à ma taille ».

Patrick : — Qui a écrit ça ? Corinne : — Un anonyme. C’est tellement évident que l’on en oublierait que, comme dirait la Bible, notre propre peau est notre plus bel habit.

Patrick : — « Dieu fit pour Adam et pour sa femme des vêtements de peau et les vêtit. ». De fait, la peau est un immense tissu qui enveloppe tout notre être, si bien ajusté qu’il colle aux structures sous-jacentes. Ainsi notre propre peau est notre plus bel habit, grâce auquel on est toujours tiré à quatre épingles. Réalisé dans un textile vital, ce vêtement tient du luxe et de la haute couture. Personnalisé et unique, fait sur-mesure en quelque sorte, il exprime par nature la personnalité intrinsèque de tous ceux qu’il habille. Cette parure peau tombe si juste au corps que c’en est, ipso facto, un justaucorps. La peau, ce justaucorps de chair, n’a pas de prix. Sans peau, pas de vie.

 

 

Extrait du Livre TISSU DE PEAU, Corinne DECHELETTE, Patrick MOUREAUX, Donjons Editions, 2022. Illustrations Isabelle COLL. Préface Sylvie MAROT, Historienne de la Mode.