La peau. Pour le tissu-peau, c’est un autre mécanisme antibactérien que pour les tissus textiles. Cependant, il faut savoir que les matières textiles ont par nature un effet barrière face aux virus, au même titre qu’un masque en tissu, mais contrairement aux virus, les bactéries peuvent quand même se développer sur cette surface « non-tissée » inerte. Les bactéries n’ont pas besoin d’hôtes vivants pour se propager et peuvent le faire aisément sur une surface textile. Aujourd’hui, il existe des textiles antibactériens qui les protègent des bactéries. Ainsi, certains tissus antibactériens sont incrustés d’ions argent (Ag+) qui sont naturellement antibactériens. Ces additifs bactériostatiques sont intégrés de façon définitive dans la fibre au moment de la fabrication du fil. D’autres tissus bénéficient d’un traitement à base d’extraits d’huiles essentielles de citron, lavande et eucalyptus, contenant du géraniol efficace contre les acariens. Corinne : — Et pour le tissu-peau, c’est un autre mécanisme. Patrick : — Un mécanisme qui va en surprendre plus d’un… Des bactéries pour lutter contre les bactéries. 103 La peau est un tissu à flore 104 Oui, la peau est un tissu à flore. La peau est colonisée à sa surface par divers types de micro-organismes, constituant la flore cutanée. Celle-ci est composée de bactéries ou de champignons qui vivent à l’intérieur de l’épiderme, et à sa surface. Toute cette flore microbienne représente le microbiome cutané, du grec micro, « petit », et bios, « vie ».
Patrick : — Tissus à flore.
Corinne : — Tissus à fleurs.
Parmi les tissus à motif floral, le bouquet se compose de fleurs des champs, fleurs d’automne, fleurs exotiques, autant de fleurs stylisés ou naturalistes, sans oublier le fameux tissu liberty, du nom de son concepteur anglais.
Patrick : — Pour le tissu-peau, les motifs de la flore s’appellent les propionibactéries, les streptocoques, les staphylocoques epidermidis ou encore aureus. On distingue les motifs de la flore dite « résidente » et ceux de la flore dite « transitoire » composée d’hôtes accidentels pathogènes. La flore résidente est composée des bactéries saprophytes qui sont des micro-organismes vivants, présents sur notre peau dès la naissance, qui sont sans danger et qui se nourrissent des sécrétions et des déchets de la peau ; des gardiens cutanés auxquels on offre le gîte et le couvert en quelque sorte. Tout comme les tissus possèdent des espaces entre les fils de chaine et de trame, la peau présente des interstices où les bactéries bonnes et mauvaises peuvent se loger et se nourrir. Au niveau le plus superficiel de l’épiderme, se trouve le stratum disjonctum qui desquame et un peu plus en profondeur, le stratum infundibulum, c’est-à-dire la zone intérieure des infundibula pilaires ou pores. Ces deux zones représentent un écosystème idéal pour les bactéries qui s’y installent et se développent plus ou moins en symbiose avec notre peau. Ce biofilm bactérien varie en densité de colonisation en fonction de l’humidité et du caractère plus ou moins gras de la peau. Les avant-bras sont des territoires secs, les aisselles des territoires humides, le front est gras, et le cuir chevelu est gras et humide.
Patrick : — Berk !
Corinne : — Mais non, il ne faut en aucun cas voir en ces hôtes des parasites repoussants ; toutes ces bactéries agissent comme des boucliers bactériens. Les bactéries commensales ou saprophytes — celles qui sont naturellement présentes sur notre peau et qui œuvrent à notre santé — forment un biofilm protecteur contre les bactéries pathogènes (soit en accaparant les nutriments à leur détriment, soit en les éliminant directement grâce à la sécrétion de substances antimicrobiennes), empêchant ainsi les infections de la peau. Le microbiote, la flore cutanée, est un monde microscopique en mouvement permanent qui cohabite dans un équilibre propre à chaque individu. C’est la signature microbiologique de notre tissu-peau.
Patrick : — Chaque tissu-peau est unique.
Corinne : — Chaque tissu peau possède son propre microbiome cutané.
Extrait du Livre TISSU DE PEAU, Corinne DECHELETTE, Patrick MOUREAUX, Donjons Editions, 2022. Illustrations Isabelle COLL. Préface Sylvie MAROT, Historienne de la Mode.